One millimeter of black, and a veil of dead cows / 2021-2022

 

     En découvrant le port de Dunkerque, les pieds dans la boue de charbon, j’ai eu l’impression de fixer une sombre figure du passé, surgie du temps de la révolution industrielle. J’avais devant moi un paysage recouvert de mélasse et de poussière noires, brutal et crasseux, transformé à l’extrême, une incarnation sombre et spectaculaire de l’anthropocène, cette « ère de l’humain », une de ces visions qui suggèrent un effondrement imminent, avec des allures presque apocalyptiques. Une perspective hypothétique mais tout de même : l’ampleur des marques sur ce lieu gigantesque me faisaient percevoir l’estampille de mes congénères à une échelle terrestre. D’ailleurs, c’est effectivement le cas : l’impact de nos activités est tel que l’homme devient une force géologique. Nous sommes en train de créer de nouveaux types de sédiments à venir comme le plastiglomérat, une strate de roches qui sera composée en grande partie de microplastiques, répartie sur tout le globe.

     Aute nouveauté pour les paléontalogues du futur : à cause de la disparition de la mégafaune sauvage et de notre impact sur les espèces en général, 93% de la biomasse des vertébrés terrestres sont déjà constitués d'espèces domestiques, vaches en tête, qui couvrent nos appétits déraisonnables de viande. Il est même probable que d'ici trois siècles, la vache devienne le plus grand animal sur Terre, prévision presque incroyable. Dans les fouilles du futur, est-ce ce qui va rester de nous ? Des fossiles de vache et un millimètre de particules noires ?

 

     When I discovered the port of Dunkirk, with my feet in the coal mud, I felt as if I were staring at a dark figure from the past, from the time of the Industrial Revolution. I had before me a landscape covered in black molasses and dust, brutal and filthy, transformed to the extreme, a dark and spectacular incarnation of the Anthropocene, this "man era", one of those visions that suggest an imminent collapse, with an almost apocalyptic allure. A hypothetical prospect, but all the same: the scale of the marks on this gigantic site made me perceive the stamp of my fellow creatures on an earthly scale. This is indeed the case: the impact of our activities is such that man is becoming a geological force. We're creating new types of sediment in the future, such as plastiglomerates, a stratum of rock composed largely of microplastics, spread across the entire globe.     

     Another novelty for the paleontologists of the future: due to the disappearance of wild megafauna and our impact on species in general, 93% of the biomass of terrestrial vertebrates is already made up of domestic species, led by cows, which satisfy our unreasonable appetites for meat. It's even likely that within three centuries, the cow will become the largest animal on Earth, an almost unbelievable prediction. In the digs of the future, is this what will be left of us? A mantle of black dirt and a veil of cow fossils?